PRINCE NOIR, HISTOIRE D’UN RUBIS QUI N’EN ÉTAIT PAS | FR
Le grand négociant et collectionneur de pierres fabuleuses, Jean-Baptiste Tavernier déclare avoir vu deux « rubis » en Inde, appartenant au roi de Bijapur, pesant 50 et 17,50 carats d’époque*, qu'il évalua respectivement à 600 000 et à 74 550 francs d’époque. Le roi d'Ava était en possession d'un « rubis » monté dans un protège-oreille de la taille d'un œuf de pigeon. A l’encontre du diamant où des diamants de 50 voire 100 carats sont parfois mis en vente, un rubis de 50 carats est exceptionnel.
Lorsque Charles I fut décapité, le Parlement commanda que tous les insignes de la royauté devraient être détruits et les pierres précieuses vendues en liquidation. Dans la liste des « Regalia », qui était conforme à cet ordre de destruction totale ou vente, nous trouvons : « Pour un gros ballas de rubis enveloppé dans du papier d'une valeur de 4 £. ». Ainsi dénigré et pour un prix plus que modique le rubis du prince est passé à un acheteur inconnu. C’était peut-être un royaliste déguisé, un marchand de pierres, ou un accord fallacieux avec un parlementaire. Mais, nous retrouvons heureusement le rubis dans la Couronne de l'État sous Charles II en 1661.
Comme il est rapporté dans les annales, il y eut une tentative du colonel Blood de voler la couronne en 1649 et pour la commodité du transport il plia la couronne en double dans un sac. Au cours de ce traitement brutal beaucoup de pierres sont tombées, et parmi elles le grand rubis, qui fut heureusement retrouvé lors de la capture des brigands, dans la poche d’un complice, un certain Parrett.
Pourtant, dans ce cadre historique la pierre n'était pas la propriété de l'État, mais était passé en possessions privées pour appartenir finalement à Lord Amson Hackney. C'était la dernière grande aventure que connut le Black Prince. À partir de ce moment, il est passé successivement quatorze rois et reines d'Angleterre et il occupe maintenant sa place parmi les joyaux de la couronne d'Angleterre, et repose en toute sécurité dans la tour de Londres où le grand public peut l’admirer.
Le rubis fut finalement analysé, il y a quelques décennies par des gemmologues, et coup de tonnerre dans le monde des pierres précieuses : le Black Prince n’était pas un rubis ou « escarboucles » du latin « carbunculus », mais un spinelle d’une qualité exceptionnelle. Le rubis est du groupe du corindon tout comme le saphir. Le spinelle est un aluminate de magnésium de couleur proche du rubis, identifié autrefois comme rubis, tout comme le « Timur Ruby » serti dans un collier de diamants appartenant lui aussi aux joyaux de la Couronne. Le Black Prince fut desserti en 1937 par la Reine Elisabeth du centre de la couronne et replacé ensemble avec le diamant, tout aussi prestigieux ; le Koh-I-Noor.
*Le carat de 0,20 gramme n’a été généralisé qu’en 1939. Auparavant le carat était différent d’un pays à l’autre et même d’une ville à l’autre.
|