Evolution et révolution du secteur diamantaire | FR
Les diamants sont connus depuis des millénaires, mais selon les sources historiques, la taille commence seulement il y a plus ou moins 550 ans, au XVème siècle. Les balbutiements de la technologie pour travailler une matière si dure ont été décrits par Pline l'Ancien de façon quelque peu exotique. Mais ce sont surtout les mystères et les légendes entourant cette pierre exceptionnelle, à l'origine divine pour les anciens grecs qui l'interprétaient comme poussière d'étoiles tombées du firmament ou encore larmes des dieux, qui retardent les progrès de la taille.
L'emploi d'une pointe en cuivre avec de la poudre de diamant a sans doute été la seule façon de faire, avec beaucoup de patience et de précision. Le Shah de 88,70 carats fut taillé à partir d'un brut de 95 carats, de sorte que la perte était seulement de 8%. Seules les facettes extérieures ont été polies. C'est un exemple exceptionnel de gravure que l'on peut admirer encore au musée du Kremlin. L'évolution la plus importante fut apportée par l'invention de la machine à vapeur par l'Ecossais James Watt. Ce ne fut pas seulement une évolution technique, mais encore une évolution sociale. À partir de ce moment-là, les tailleries donnent du travail à des centaines de personnes. C'était aussi le début des syndicats d'ouvriers diamantaires. D'importantes tailleries à vapeur s'installent à Anvers, Amsterdam et à Paris, à la fin des années 1870. Le premier syndicat des tailleurs est fondé à Amsterdam - l'ANDB - puis à Anvers - l'ADB du parti socialiste -, suivi par l'Union chrétienne -CBD. Mais en 1908, commence l'électrification d'Anvers et de l'arrière-pays "la Campine" et plus tard de Bruges jusqu'à Dixmude où de petites tailleries s'installent. L'électricité donne la possibilité de construire de petites usines ainsi que des moulins individuels. Les syndicats perdent ainsi le contrôle d'une partie de la corporation. Des familles d'agriculteurs commencent à tailler le diamant pendant la période hivernale notamment. Ce fut une époque de compétition entre Anvers et Amsterdam avec les tailles roses simples, roses fantaisies et roses pleines. Sans oublier les anciennes tailles européennes : brillant, poire et taille ovale. Le problème avec la taille brillant, c'est la perte de poids. La table doit être taillée sur la pointe de l'octaèdre : c'est la raison même des tables étroites des tailles anciennes. Lors de la révolution d'Octobre, la noblesse russe quitta la Russie avec d'énormes quantités de bijoux avec des tailles roses simples qui reçurent à Anvers et Amsterdam le surnom de "Bolcheviques ". La colette du brillant était « ouverte », une petite facette est taillée pour protéger la pointe. Nous trouvons le « old european cut » dans les bijoux anciens montés en or ou en argent, tels que les coeurs de Flandre, diamants sertis dans l'argent pour la partie apparente et doublés d'or à l'arrière pour protéger les vêtements somptueux de l'époque. Au tournant du XXème siècle, la technique de la taille du diamant reste la même que ce qu'elle était quatre cents ans plus tôt. Le tailleur de diamants doit faire sertir le diamant brut dans du plomb par un sertisseur. Avec cette technique, seule la petite partie du diamant hors du plomb était visible, le tailleur ne voyant jamais le reste de la pierre. Pour tailler les 58 facettes, le sertisseur devait changer la position du diamant dans le plomb au moins dix-huit fois : un savoir-faire archaïque certes admirable. Ajoutons que pour les amoureux du métier, les anciennes tailles ont un certain charme que les nouvelles n'ont plus. Anvers célèbre cette année le centenaire de la taille Tolkowsky de 1919. Il conçoit la première taille brillant basée sur l'étude scientifique de la propagation de la lumière à travers le diamant. Suivi par Johnson & Roessch en 1925, Eppler en 1939 et les normes Scandinaves en 1966. Ceci grâce à la mise au point du dop mécanique allemand, à partir de 1910 qui sera généralisé en 1930. Le métier du sertisseur de diamant disparaît définitivement, malgré le veto des syndicats, la compétition allemande étant trop forte. A partir de là, le tailleur contrôle les différentes étapes de la taille. Un grand nombre de modèles arrivent sur le marché : pour le bas (la culasse), pour le haut (la couronne), le rondiste, les tailles fantaisies et pour la table, toujours en utilisant la tige flexible en cuivre. Les tiges en cuivre disparaissent dans les an- nées 60/70 avec l'apparition du dop et de la pince américaine, qui donnent plus de précision en un temps record. Le débrutage connaît aussi une évolution. Jusqu'à la fin du XIXème siècle le débrutage, étape difficile et laborieuse, se faisait à la main sur un bac de clivage, à l'aide de gants en cuir épais. En 1930, le président du syndicat des tailleurs Eduard Danckaerts nous raconte "des verrues, grandes et épaisses comme des boutons de gilet, sur chaque main, avec une demi-douzaine de doigts crochus et tordus par le travail". C'est bien ici une représentation de la pénibilité du travail qui est décrite ! Heureusement en 1920, le tailleur anversois Leyten conçoit une machine de débrutage basée sur un tour, actionnée comme une machine à coudre de la même période, la célèbre Singer et qui facilitera grandement le débrutage. Le sciage déjà proposé au XVIIème siècle par de Boodt dans « Gemmarum et Lapidum » , il n'en reste qu'un dessin. Dans son dictionnaire de 1787, Servaes Van der Wielen propose un fil de fer enduit d'huile et de poudre de diamant. La vraie machine de sciage du diamant avec une scie circulaire, fait son apparition fin XIXème et début XXème siècle. Le scieur avait besoin d'une machine pour la coupe et le poudrage des scies, le métier de « coupeur de scie ». Il arrondit la scie et l'enduit de poudre de diamant sur une machine spécialement conçue. Un coupeur de scie pouvait ainsi servir à cinq ou six scieurs. Avec la génération suivante de machine de sciage, le travail à la machine de coupe et de poudrage de la scie va disparaître vers 1930. Le contrôle de l'opération par le scieur est complet et largement utilisé aujourd'hui. Anvers était bien connu pour sa capacité de sciage comptabilisant entre 3.000 et 4.000 scieurs à Anvers et en Campine. Mais le secteur du sciage en Belgique disparaît peu à peu entre les années 70 et 80 en raison de l'intégration verticale de la De Beers qui prend également le contrôle du secteur du sciage. Actuellement, le sciage de grandes pierres se fait principalement au laser. Au cours de la première moitié du XXème siècle, l'union des tailleurs de diamants devient plus puissante et le secteur est précurseur de progrès social. En 1937, la semaine de 5 jours, de 8 heures de travail et des vacances d'été payées sont des avancées sociales instaurées dans le secteur du diamant. Ce fut une véritable révolution. Grâce à la collecte et la vente des tiges en cuivre usées, les syndicats organisent des vacances sur la côte belge pour les enfants des tailleurs sous le nom « Zon-nestraal » ou « Rayon de soleil ». L'Alliance mondiale des tailleurs de diamants créée dans les années vingt témoigne de l'importance grandissante d'Anvers et de la région de la Campine jusqu'à la seconde guerre mondiale. Amsterdam sera en deuxième place mais disparaîtra après la seconde guerre mondiale en raison d'une fiscalité trop lourde, d'un syndicat puissant mais trop souvent en grève et d'un système bancaire inapproprié. Dans le même temps, Anvers possède une réglementation très souple et une fiscalité très favorable au secteur. Les deux syndicats ouvriers sont assez flexibles et surtout les banques telles que la Société Générale, la Krediet Bank et la Banque Bruxelles Lambert s'allient pour créer en 1930 la Banque Diamantaire Anversoise. Spécialisée dans le financement du secteur du diamant, cette banque emblématique disparaîtra en 2015 sous la pression des nouvelles réglementations de la commission Européenne. A partir des années 30, c'est une véritable invasion de négociants, tailleurs, scieurs et cliveurs d'Amsterdam qui s'installèrent à Anvers entraînant régulièrement des litiges lors de transactions, les uns continuant leurs transactions en florins, les autres en francs belges. La solution fut la création du florin diamantaire fixé à 20 FRB. Toutes transactions, achats, ventes, de brut ou de taillé, salaires et commissions furent calculés en florins diamantaires, une monnaie purement fictive et virtuelle utilisée jusque dans les années 1980/90, donc pendant près d'un demi-siècle, avant l'utilisation généralisée du dollar.
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