Jean-Baptiste Tavernier | FR
voyageur, négociant, collectionneur de pierres précieuses et… précurseur du Guide Michelin.
Le diamant connu depuis l’aube des civilisations provenait des mines de Bornéo et des Indes. Aussi bien le diamant que les pierres précieuses s’acheminaient vers l’Europe antique et médiévale par le biais des caravanes. La fameuse route de la soie. La route se terminait à Constantinople et de là en bateau sur la méditerrané, infestée de pirates, vers Venise. Lors de la découverte de la nouvelle route vers les Indes, par le Cap de Bonne Espérance par Vasco de Gamme en 1497, Bruges devint la nouvelle Venise du nord. Centre commercial important avec son système bancaire, son industrie e.a. la taille du diamant et des pierres précieuses, elle était une des plus grandes métropoles européenne du 16e siècle.
Ce qui n’empêcha pas que la route de la soie continua à fonctionner encore quelques siècles. La meilleure source d’information est celle du grand voyageur, négociant hors de paire et surtout collectionneur de pierres précieuses exceptionnelles qu’est J.B. Tavernier au 17e siècle. Jean-Baptiste Tavernier, fils d’un marchand de cartes géographiques, naquit à Paris en 1605. Les entretiens que plusieurs savants avaient journalièrement avec son père, et que tout jeune, il écoutait avec plaisir, inspirèrent de bonne heure à Jean-Baptiste le désir de visiter les contrées dont il voyait les noms sur les cartes.
Dans ses livres «Les six Voyages en Turquie et en Perse » et « Les Voyages en Perse et aux Indes », il nous raconte cette fabuleuse entreprise qu’était une caravane. Venant des Indes et de Chine, cette « population », car il s’agit bien de plusieurs milliers de personnes, chameaux, chevaux et ânes, traverse le grand continent de l’Est à l’Ouest. Chargée de produits précieux, soie de Chine, pierres précieuses des Indes et d’Afghanistan, tapis d’Orient, épices rares de diverses régions et des produits rares et quasiment inconnu en Europe, elle traverse des régions souvent dangereuses. C’est aussi la période où les bulbes de tulipes importée d’Orient valaient leurs pesant d’or, ainsi une maison d’Amsterdam fut échangée pour un seul bulbe de tulipe. Il exécuta ainsi pas moins de 6 voyages entre l’Inde et l’Europe, rapportant des diamants que l’on compte parmi les plus importants de l’histoire. Il a eu aussi l’occasion d’admirer des trésors fabuleux des rois et maharadjas qu’aucun autre étranger n’avait jamais pu contempler. Ce qui est une source d’information inestimable lorsqu’on s’intéresse à l’histoire des parangons.
Au début du 16e siècle jusqu’au 19e siècle ; les empereurs moghols ont régné sur un vaste empire indien. Leur cour était fastueuse et leurs trésors réputés. Ils avaient sept trônes sertis soit de diamants, soit de rubis, jean-Baptiste Tavernier, fut le premier Européen à pouvoir contempler le trésor impérial, en estima la valeur à plus de 160 millions de francs or de l'époque. Auprès de ce trésor reposait le « Grand Moghol ». D'après les récits de Tavernier, le Grand Moghol fut découvert vers 1550 dans la mine de Gani, près de Golconde, et pesait 787,50 carats à l’état brut. En 1650 le Grand Moghol fut offert au Shah Jahan, le constructeur du fameux Taj Mahal. La pierre disparu à tout jamais, mais plus tard, l’Orloff qui lui ressemble fortement (en plus petit), apparu bizarrement.
Tavernier aurait aussi vu le « Shah » pour la première fois en 1665, pendant au trône du célèbre empereur moghol de l'Inde, Aurangzeb, à Delhi; selon lui, elle portait alors l'inscription de FILS DE JAHANGIR SHAH 1051, soit l'année 1641 de notre calendrier, que l’on peut contempler actuellement, ainsi que l’Orloff au Kremlin.
Mais la plus mystérieuse et la plus emblématique de tous fut le Tavernier Blue. Tavernier la vendit pour 3.000.000 de livres à Louis XIV, qui l’anoblit et lui donna la baronnie d’Aubonne (Suisse). La pierre est rebaptisée « Diamant bleu de la Couronne ». Tavernier nous décrit comment il la découvrit et acheta cette pierre extraordinaire provenant de la mine Kollur (d'autres sources parlent de Golconde). Elle avait à l'époque une forme de cœur lourdement taillée ou plutôt ébauchée de 112,25 carats. La pierre disparaît lors de la révolution en 1792, lors du vol historique du Garde Meuble. Elle ne réapparaitra plus jamais. Pourtant un demi siècle plus tard réapparait une pierre d’une même couleur bleu saphir de 44,50 carats qui est achetée par le banquier Hope, qui lui donne son nom. La pierre entrainera les différents propriétaires dans une série de mésaventure, ce qui lui vaudra le surnom de pierre maudite. Depuis Marie Antoinette au Lord Francis Pelman, Clinton Hope, le bijoutier Jos Frankel, le sultan Abdul Hamid II au milliardaire Mc Lean tous connurent une fin tragique et selon la légende Tavernier lui même mourut lors de son dernier voyage dévoré par des loups. La pierre est finalement achetée par Harry Winston qui l’offre au Smithsonian Institution de Washington ou elle est actuellement exposée. La découverte d’une réplique en plomb du Diamant bleu de la Couronne dans les archives du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, confirme, après des simulations sur ordinateur, que le Hope provient effectivement du Diamant bleu de la Couronne.
Mais Tavernier nous offre aussi un trésor d’information intéressante concernant ses voyages. La traversée des contrées lointaines avec des vallées verdoyantes, des montagnes arides et glaciales ou des pleines suffocantes par cette colonne de milliers de commerçants. Il nous entraine d’Ismir à Basara, Baghdâd, Mossoul, Ispahan, Alep et moult villes et villages du 17e siècle. La caravane avait un itinéraire bien précis, elle passe par des petits ou des plus grands royaumes, des émirats ou des principautés. A chaque passage la caravane paye une dîme, un droit de passage, ce qui est aussi une garantie de protection contre les brigands. Les princes ont tout avantage de demander des droits de passage raisonnable, d’offrir une infrastructure d’accueil et une protection efficace, car si le prince exagère dans ses exigences ou ne rempli pas ses promesses, la caravane changera son itinéraire la prochaine fois. C’était une source de revenu importante pour la région, il fallait recevoir tout ce monde dignement. Tavernier nous raconte en détail chaque « caravansérail », grand immeuble carré avec une place intérieure assez grand pour recevoir les milliers d’animaux et leurs bagages. Prévoir la nourriture et logements pour les voyageurs et le fourrage pour les bêtes était toute une entreprise. Ainsi Tavernier nous raconte que tel site offre une nourriture excellente mais un vin médiocre, un autre site est situé dans un cadre naturel splendide mais la nourriture y est exécrable, ou l’hygiène laisse à désirer. Chaque région est décrite minutieusement et donne ainsi un « carnet du bourlingueur », un « Guide Bleu », un « Guide Michelin » d’avant la lettre.
Le soir les négociants les plus importants sont invités par les princes à des banquets, l’un plus somptueux que l’autre. C’est aussi le moment où le prince désire voir les marchandises et faire son choix, l’achat se fait après d’âpres marchandages, mais se termine toujours par un accord après lequel on fraternise.
Parfois il n’y a pas de caravansérail et l’on est obligé de dormir à la belle étoile. Tout est prévu, la caravane s’installe en un grand cercle les animaux sont à l’extérieur et les marchandises, les provisions d’eau et de nourriture ainsi que leurs propriétaires à l’intérieur du cercle. Les voyageurs ont tous leurs tentes, l’une luxueuse, l’autre plus modeste, et l’on monte la garde avec l’aide des soldats du prince auquel les caravaniers ont payé la dîme. Tavernier nous raconte que les caravansérails sont plus fréquents et plus commode en Perse qu’en Turquie, d’ailleurs, ajout-il, la Turquie est pleine de voleurs qui vont par grosses bandes et attendent les marchands sur les chemins ; s’ils se trouvent les plus forts, ils les dépouillent, et bien souvent leur ôtent la vie.
C’était la raison même des marchands de cette époque de voyager en groupe important, plus grande la caravane, plus la sécurité était assurée.
Cette épopée fantastique se terminera lors des conquêtes de l’Empire Britannique et plus tard la construction des vois ferrées au 19e siècle.