1923 LE CORTEGE DES BIJOUX | FR
Anvers avait déjà une réputation internationale, « la ville des cortèges », tel l’Omegank avec ses géants comme Antigoon, ses baleines et dauphins aspergeant les foules. Mais un des plus beaux cortèges fut celui de la nuit du 15 août 1902, malheureusement le plus dramatique.
C’était la huitième édition et aussi la dernière du cortège des lumières. Parmi les chars allégoriques le plus spectaculaire fut celui représentant un paysage d’hiver, sous le nom de « fantaisie d’hiver ». Construit sur un treillis en fil de fer, de l’ouate et des coupures de papier blanc formant un échafaudage d’une dizaine de mètres, imitant un iceberg sur le quelle étaient juchées une douzaine de jeunes filles d’ont une au plus haut de l’édifice était la « reine », cette jeune fille de 17 ans reçut plus tard le nom de « la vierge d’Anvers ». Une femme plus âgée dans le rôle de grand mère était assise au bas du char racontait des légendes d’hiver aux enfants. Vu la hauteur de la construction la « reine » assise sur une chaise fut attachée avec des sangles pour plus de sécurité. Le char illuminé féeriquement à l’aide de lampion électrique fit frémir le public d’admiration lors de son passage. (N’oublions pas qu’en cette période peu de gens avaient déjà l’électricité dans leurs maisons.) Malheureusement un court-circuit embrasa le char, le coton et le papier transformant la représentation idyllique en un brasier où tout les personnages purent s’enfuir sauf la reine qui brûla vive attachée en au haut de l’édifice sous les yeux plein d’effroi de son fiancé un jeune tailleur de diamant et du public horrifiés et incapable d’intervenir. Après se dénouement dramatique le cortège des lumières fut définitivement rayé des cortèges anversois.
Malgré tout Anvers était restée digne de sa réputation d'autrefois. Qui ne se souvenait en effet, sinon pour les avoir vues, au moins pour en avoir entendu parler, en avoir lu des descriptions ou vu des reproductions de ces merveilles que furent le cortège Rubens en 1877, le cortège Van Dyck en 1899, le cortège Conscience, en 1912 et même quelques rares cortèges juste après la 2e guerre.
Avec le cortège des bijoux une fois de plus Anvers avait brillamment prouvé qu’elle était la ville des cortèges, que ses habitants n'avaient pas leur pareil dans le monde dans l'organisation de fêtes de ce genre. Depuis des siècles Anvers pouvait se targuer de cette gloire; dès les XVe et XVIe siècles la cité scaldéenne était réputée pour l'audace de conception et le sens artistique qui marquaient ses cortèges. Des artistes et des écrivains, tels le grand peintre Albert Dürer et l'historien italien Guiccardini, dépeignent avec un lyrisme débordant d'admiration enthousiaste, les cortèges dont ils virent se déployer les éblouissantes splendeurs dans les rues de l'historique et fière cité.
Mais le plus beau et le plus prestigieux de tous les cortèges que connu la ville fut incontestablement le Cortèges des Bijoux de 1923. Déjà trois ans plus tôt le réputé diamantaire anversois, Willem Van Rijswijck échafauda un plan pour donner plus de prestige au secteur diamantaire en concurrence avec Amsterdam. Personnage sympathique et dynamique, conciliateur, négociateur mais aussi patron et surtout le général d’une entreprise inégalée, il sut entrainer tout le secteur diamantaire anversois dans son projet sans aide des autorités de la ville ou de l’état. Tous participèrent du plus petits tailleurs aux fortunés diamantaires, chacun donnant ce qu’il peut. Projet grandiose auquel des centaines de tailleurs, scieurs, débruteurs et cliveurs ainsi que leurs familles participèrent. Les négociants et fabricants diamantaires côte à côte avec leurs personnels pour la construction et l’organisation de cette réalisation. Moment de paix et de collaboration intense entre le syndicat et le patronat avec un seul but, réussir le plus beau des cortèges à la gloire du diamant et de la ville. Le projet absorba des millions de francs d’époque et demanda la participation de l’Académie des Beaux Arts, d’artistes décorateurs, de peintres, d’architectes et de constructeurs de chars. Des chevaux de l’armé furent réquisitionnés pour tirer les chars, des fanfares de différents groupements même à cheval participèrent à cette liesse unique dans les anales de la ville où des dizaines de milliers de visiteurs étrangers vinrent admirés les chars symboliques et allégoriques. Le cortège parcourant le centre ville, de la place Loos au parc central de la ville vers la rue du Pélican devant le Club et la Bourse du diamant, la Gare Centrale, l’avenue De Keyser, le Meir, devant le palais Royal où au balcon le Roi Albert Ier salua le cortège, à côté de lui le diamantaire Willem Van Rijswijck, le génie créateur rayonnant, devant une foule immense en liesse tout au long du parcours.
Le sujet de cette féerie grandiose, la glorification de la pierre précieuse, se prêtait admirablement à l'étalage du luxe le plus pittoresque. Toutefois le cortège n’a pas seulement été pittoresque et d'une magnificence inouïe, il a été également un enseignement et a constitué un hommage à tout ce qui méritait d'être glorifié dans l'industrie de la pierre précieuse. Aux vaillants mineurs qui arrachent la pierre brute à la terre, au citoyen Louis Van Berekem qui inventa la taille du diamant, aux grands faits de l’histoire mondiale où les joyaux jouèrent un rôle important et aux différents peuples qui vivent en paix et en amitié avec la Belgique. Les participants s'associaient à cette joie provoquée par le relèvement du secteur après les horreurs de la guerre. Il y avait aussi un char qui représentait l'hommage des nations à Anvers. A ce propos, on sait que le monde diamantaire d'Anvers se composait (et se compose encore) d’environs soixante pour cent d’étrangers, qui voulaient saisir l'occasion de prouver leur reconnaissance pour l'hospitalité reçue. Un autre char donnait l’apothéose de toutes les pierres précieuses connues. Tout cela permet de dire que le Cortège des Bijoux constitua un événement capital dans les annales d'Anvers, dont le souvenir ne périra jamais et qui malheureusement ne sera plus jamais égalé.