Une page de l’histoire du diamant est tournée | FR

La famille Oppenheimer a vendu ses actions à l’Anglo American.
La compagnie De Beers, la fin d’une histoire des diamants ? Le 4 novembre une nouvelle provenant de Londres annonce la vente des actions de la famille Oppenheimer.
C’est l’une des plus grandes réussites financière du 20e siècle qui inspira d’ailleurs l’OPEP.

Fin du 19e siècle.
C'est à partir de 1866 en Afrique du Sud que furent ramassées de très belles pierres, a fleur de sol, mais ce n'est qu'avec la découverte des gisements de Jagers-fontein, de Dutoitspan et de Bultfontein, en 1870, puis de Kimberley, que cette partie du monde allait être livrée a l’envahissement de milliers d'aventuriers venus de tous les coins de la terre pour faire fortune en travaillant comme au temps de la ruée vers l’or en Amérique du Nord. Il se créa, alors, une multitude de concessions, ou «claims», qui donnèrent rapidement naissance a un flot de disputes, de complications et de procès. Sous la pression politique et l’intervention de la haute finance, cette situation s'éclaircit peu a peu.
 
Vers 1871, dans la région de Kimberley, les deux frères De Beers, propriétaires d'une petite ferme, avaient concédé a un prospecteur hollandais l’autorisation de prospecter leurs terrains. Rapidement, la nouvelle se répandit qu'ils étaient riches en diamants et, tout aussitôt, la propriété des De Beers fut littéralement envahie par des chercheurs avides de trouver les précieuses gemmes. Pour retrouver le calme, les frères De Beers n'eurent pas d'autre solution que de vendre leurs biens à des prospecteurs et d'aller s'installer ailleurs. Un peu plus tard, en 1873, Cecil J. Rhodes se rendit acquéreur d'une concession dans ce qui était devenu la mine De Beers dont le nom allait devenir célèbre dans le monde entier.
 
Au milieu du tumulte et de l’agitation qui régnaient alors, Cecil J. Rhodes et Barnay Barnato, deux puissantes personnalités, rivaux ambitieux et impitoyables, comprirent que l’acquisition de moyens techniques plus puissants nécessités par l’exploitation des mines, ne pourrait se faire que par la mise en commun des ressources des uns et des autres. Dans ce but, Cecil J. Rhodes créa en 1881 la De Beers Mining Company qui réunissait un certain nombre de propriétaires de mines, tous en étant actionnaires. De son côté, Barney Barnato achetait toutes les concessions disponibles dans la mine de Kimberley, ou bien les actions des sociétés actives qui y étaient implantées, et fondait en 1881 la Barnato Diamond Mining Company. Dès lors, les deux rivaux se livrèrent une gigantesque bataille financière pour avoir le monopole de toutes les mines. Ce fut Cecil J. Rhodes qui l’emporta en signant avec Barney Barnato un contrat scellant la fusion de leurs mines respectives, accord à la suite duquel fut fondée la De Beers Consolidated Mines réunissant sous un même nom la De Beers Mining Company et la Kimberley Central. Peu après, en juillet 1889, Cecil J. Rhodes prit le contrôle en achetant toutes les actions de la Kimberley Central pour la somme fabuleuse de 5.338.650 livres sterling. Le cheque de cette transaction continue, de nos jours a orner la salle du conseil d'administration de la De Beers Consolidated Mines Ltd. à Kimberley. Progressivement, la nouvelle société absorba toutes les mines d'Afrique du Sud et, en passant des contrats avec différents pays d'Afrique, s'assura le monopole effectif de l’extraction du diamant. Cecil J. Rhodes mourut en 1902. Il fut aussi le fondateur de la Rhodèsie, devenue plus tard le Zimbabwe.
 
La famille Oppenheimer
Entre-temps naissait en mai 1880 à Friedburg en Allemagne, Ernest Oppenheimer qui allait lier son nom a celui de la De Beers. A l’âge de seize ans, il entra dans la firme de son frère, la Dunkelsbuhler & Co. de Londres, petite firme diamantaire qui, comme tant d'autres a cette époque, travaillait avec la De Beers en Afrique du Sud. Après avoir reçu la nationalité anglaise en 1901, il fut envoyé à Kimberley dans une filiale de la De Beers, la même année d'ailleurs où fut découverte la mine Premier, près de Pretoria. Comprenant les immenses possibilités qui s'offraient a lui, il décida de se fixer en Afrique du Sud où il ne se contenta pas seulement de prospection diamantaire mais où il s'occupa de l’or, si bien qu'en 1917, sous son égide, les deux activités s'amalgamèrent en une grande firme, l’Anglo-american Corporation. Cette dernière s'affilia en 1924 au syndicat diamantaire de Londres qu'Emest Oppenheimer entreprit de remanier complètement. Deux ans plus tard, il en devenait administrateur.
 
En 1929, il fut nommé président de la De Beers, fonction qu'il occupa jusqu'a sa mort a l'âge de soixante dix-huit ans, le 25 novembre 1957. C'est sous son autorité que fut créé et agrandi le monopole de la De Beers. Il fut anobli le 1er janvier 1921 et porta, dés lors le titre de Sir. A son décès, la présidence passa entre les mains de son petit-fils, Harry Oppenheimer.
 
Grâce a ses propres mines, complétées par l’achat des mines très prometteuses de Finsh et de Koffiefontein en 1963, tout en ayant d'importantes participations dans les autres mines d'Afrique du Sud, grâce également a des contrats a longue échéance avec plusieurs pays producteurs dont la Russie qui joua le même jeu qu'elle, la De Beers occupa dans le monde diamantaire une place prééminente, d'une importance capitale. D'une part, elle était de loin le plus grand producteur de diamant en détenant plus de 40% de la production mondiale et, d'autre part, elle joua un rôle primordial sur le marché international en contrôlant la commercialisation de plus de 70% de la production mondiale de diamant brut. Ce quasi-monopole s'est établi progressivement. A l’occasion de la grande crise économique des années 20, la De Beers créa en 1930 la Diamond Corporation afin de centraliser toute la production diamantaire et son stockage, ce qui fut et resta un facteur de stabilité des prix a long terme et de la plus haute importance pour le diamant. En 1934, la Diamond Trading Company (D.T.C.) fut fondée à Londres pour s'occuper exclusivement du tri, de l’évaluation et de la vente du diamant.
 
La production sud-africaine fut placée sous le contrôle de la Diamond Producers Association. Toutes ces sociétés furent ensuite englobées dans la Central Selling Organization (C.S.O.) dite aussi le «Syndicat», qui constitua la branche diamant de la De Beers Consolidated Mines Ltd. laquelle, avec l’addition des mines d'or que possède la De Beers, sous la tutelle de l’Anglo-american Corporation of South-Africa (A.A.C.).
 
En dehors de son activité diamantaire traditionnelle, le groupe De Beers s'intéresse aux diamants industriels et synthétiques, aux matériaux ultra-résistants pour l'industrie et diversifie ses investissements dans les compagnies minières industrielles.
 
Mais la société Sud Africaine a changée depuis l’effondrement de « l’apartheid », le gouvernement veut stimuler la taille des diamants sortant des mines sud-africaines, ceci pour compenser certaines pertes d’emplois dans le secteur minier. Aussi le gouvernement S.A. voudrait mettre plus la population noire au travail aussi bien comme ouvrier que comme cadre. Le plus grand problème pour le gouvernement est d’une part la concurrence des pays à bas salaires e.a. les Indes, la Chine et la faiblesse du dollar.
 
La valeur ajoutée au travers de la chaîne de production du diamant. L’analyste de l’industrie diamantaire et correspondant de Rapaport, Marc Goldstein en donna une synthèse parfaite. Depuis la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, fin des années 80, la donne a changé radicalement. Et la fin de l’embargo notamment sur les capitaux a eu un impact considérable sur le monde financier. Alors qu’auparavant les investisseurs nationaux étaient quasiment obligés d’investir dans des entreprises nationales, telles que De Beers, qui était alors Sud Africaine, voilà que le monde s’ouvrait à eux. Et inversement, voilà que les investisseurs extérieurs pouvaient investir en Afrique du Sud. Mais alors autre chose changeait également. Dorénavant, les entreprises sud-africaines devraient, comme toutes les autres dans le monde occidental, prouver qu’elles étaient rentables. En effet, jusqu’alors, étant donné que les investisseurs étaient presque obligés d’investir dans des entreprises nationales, faute d’alternatives, les soucis de rentabilité n’étaient certainement pas primordiaux. Mais dorénavant, tout en irait différemment, et détenir des stocks colossaux par exemple, même s’ils étaient destinés à maintenir les prix des diamants à un niveau donné et permettre à De Beers de tenir son rôle de Custodian of Prices- n’était plus acceptable. Les investisseurs n’étaient plus prêts à laisser leur argent investi dans un stock de diamants qui rapporte moins que s’ils plaçaient leur argent à la banque. C’est entre autres pour cette raison que la De Beers s’est empressée depuis lors de se débarrasser de quelque 3 milliards de dollars de stock en les ’poussant’ en aval dans le pipeline. Ce n’est que pure logique que de constater qu’à la suite de ce mouvement, la dette totale du secteur diamantaires mondial a crû de 3 milliards de dollars, le stock de De Beers ayant été financé par les échelons suivants du pipeline de production de diamants. En résumé, tout s’est donc passé comme si les investisseurs demandaient à De Beers de leur prouver qu’il y avait une valeur ajoutée à investir dans leur entreprise plutôt que dans n’importe quelle autre entreprise dans le monde. Suite à cela, c’est au tour de la De Beers de demander à ses clients de lui prouver qu’ils apportent plus de valeur ajoutée que les autres, par l’intermédiaire de leur nouvelle politique dénommée Supplier of Choice. En effet, pour générer de la rentabilité envers leurs investisseurs, la De Beers avait besoin de clients qui eux-mêmes étaient capables de générer un maximum de profit au départ des mêmes éléments, et donc de générer une valeur ajoutée supplémentaire. Ainsi de suite en cascade, tous les acteurs des divers échelons du pipeline diamantaire ont progressivement été amenés à prouver leur valeur ajoutée ou à risquer de disparaître. Et finalement, les centres diamantaires mondiaux subissent le même type de pression. Si Anvers ne se montre pas compétitif et ne se démarque pas des autres centres par des atouts bien réels, sa place de centre mondial s’en trouvera compromise. Heureusement, les anversois ont compris l’importance du problème et ont entrepris les restructurations qui s’imposaient en vue de pouvoir proposer à leurs clients des services encore plus adéquats, plus spécialisés et plus compétitifs. Par voie de conséquence, Anvers est en train de se réinventer, et ce à l’avantage de tous les acteurs du marché diamantaire international. Enfin, comme si la vie avait décidé de confirmer une fois de plus l’adage qui veut que « la roue tourne », c’est aux tours des pays producteurs de diamants, le maillon qui se trouve en tout en amont dans la chaîne de production de diamants, de demander des comptes à la De Beers. Après avoir vu les Russes, les Australiens et puis les Canadiens développer leurs propres circuits de distribution de diamant, les pays producteurs sud-africains se demandent à leur tour, « Mais quelle est la valeur ajoutée de De Beers dans la distribution de nos diamants? Peut-être pourrions-nous développer nos propres circuits ou passer par d’autres distributeurs qui ont déjà pignon sur rue, et ainsi maximiser nos profits ! ». Ainsi plusieurs pays producteurs voudraient plutôt exporter du diamant taillé que du brut et ce malgré la concurrence des bas salaires en Inde. Coup de théâtre :
 
Le 4 novembre 2011 la famille Oppenheimer annonce qu’elle se retire du groupe de diamants De Beers, dont elle détenait 40% du capital. Décision qui aurait déjà été prise quelques mois plutôt. L’acquéreur est le géant minier Anglo American. Pourtant l’avenir semblait tout tracé pour la dynastie des Oppenheimer avec la succession de Jonathan Oppenheimer. Après l’université d’Oxford il rentre chez De Beers à Londres avant de rejoindre l’Anglo American. De retour en Afrique du Sud il joue un rôle important dans les relations extérieures du groupe e.a. avec les autorités. Il est nommé administrateur délégué du groupe De Beers, PDG de De Beers Canada, de la Consolidated Mines et de la filiale « Element 6 Group » centre de recherche de la De Beers.
 
Leader mondial incontesté de la production de diamants, le groupe De Beers, est actuellement détenu à 45% par l’Anglo Américan à 40% par la holding CHL (contrôlée par la famille Oppenheimer) et à 15% par l’Etat du Botswana. De Beers, qui ne réalise u « plus qu’un » tiers de la production mondiale de diamants bruts, possède malgré tout les principales réserves de diamants, avec des mines au Botswana, en Namibie, en Afrique du Sud et au Canada.
 
Le groupe sud-africain profitant de la hausse de la demande enregistrée ces derniers mois, principalement de la Chine et de l’Inde, dans un marché où les Etats-Unis, sont encore malgré tout les premiers consommateurs de diamants et de bijoux au monde. De Beers a ainsi réalisé l’an dernier un bénéfice net de 546 millions de dollars, son chiffre d’affaires s’élevant à 5,9 milliards de dollars.
 
Malgré des chiffres très positifs, la famille Oppenheimer a décidé de vendre sa participation au capital du groupe sud-africain au profit d’Anglo American. Fondé en 1917 par le grand-père Sir Harry Oppenheimer. Etabli à Londres la part va grimper de 45% à 85% du capital de De Beers, moyennant un investissement de 5,1 milliards de dollars. Bien que l’Etat du Botswana, suite à différentes transactions, détient une option pour porter sa participation de 15% à 25% dans De Beers.
 
Pourtant Nicky Oppenheimer, fils de Harry, va conserver son poste de président du conseil d’administration du groupe. Il a déclaré « Cela a été une décision importante et difficile, car ma famille a été dans l’industrie du diamant depuis plus de cent ans, et liée à De Beers depuis plus de quatre-vingts ans ».
 
Début 2010 Nicky Oppenheimer démissionne du conseil d’administration d’Anglo American, tandis que sa famille s’était progressivement retirée au point d’abaisser sa participation à 1,9%. L’Anglo American règne désormais marché mondial du diamant, suivit de loin par Alrosa, Rio Tinto et BHP Billiton. Nicky Oppenheimer est classé premier milliardaire Sud-Africain sur la liste Forbes 2011 avec une fortune de plus de 7 milliards de dollars et est le Président de la société « De Beers » et d'Anglo American.

Titulaire d'une maîtrise en Philosophie, en Politique et en Économie, Nicky Oppenheimer débute en 1968 à Londres à l’Anglo American Corporation, il est en charge des sections diamants et or. En 1975, il retourne en Afrique du Sud à Johannesburg où il rentre à la société De Beers spécialisée dans l'exploitation diamantifère et dont l’Anglo American est toujours le principal actionnaire en 1978 il est nommé directeur. 

En 1984, il devient le vice président de Central Selling Organisation (CSO) devenu DTC (Diamond Trading Company), département spécialisée dans la vente des diamants bruts. En Janvier 1998, Nicky Oppenheimer prends la direction de la « De Beers Consolidated Mines Ltd » qui connait des difficultés dues à la fin de sa situation de monopole (suite à des pressions des E.U. et de la Communauté Européenne) sur le marché du diamant brut détenu par De Beers depuis le début du XXe siècle. Nicky Oppenheimer décide de se lancer dans le commerce du détail, par une alliance avec LVMH (Louis Vuitton, Moët, Hennesy), De Beers ouvre une boutique à Londres, aux galeries Lafayette à Paris, suivit d'une série de joailleries depuis dans le monde entier. En 2003, un doctorat honoris causa en technologie lui a été décerné par le Technikon Witwatersrand en Afrique du Sud. La fin de la prise de participations croisées entre Anglo American et De Beers a clarifié les choses, selon l’Express: De Beers est devenu une filiale d'Anglo American à hauteur de 45 %, tandis que sa gestion a été confiée à la holding familiale des Oppenheimer, la Central Holdings Ltd. (CHL), également actionnaire à hauteur de 45 %. En sortant de la Bourse de Johannesburg, De Beers s'est affranchi du joug des actionnaires, et le leader mondial du diamant est redevenu une affaire privée, étroitement contrôlée par la famille.
 
Un fait est certain une page d’histoire est tournée.