LE DERNIER COMBAT | FR

En ce début des années 20 le secteur connait une période de haute conjoncture, ce qui provoqua une demande de mains d’œuvre supplémentaire.

Malheureusement les syndicats ouvriers diamantaires (Hollande et Belgique) refusent toute concession concernant le moratoire sur les apprentis. Ce qui les rends très impopulaires envers la population et les partis politiques aussi bien de la droite que de la gauche. Tous trouvent dans ce comportement un retour au système de corporation de l’ancien régime. Le syndicat reste non seulement sur ses positions mais avance une nouvelle exigence révolutionnaire pour l’époque : une semaine de congé payé. 1925 est le moment propice pour de nouvelles exigences, vu que c’est à nouveau une période haute conjoncture on y ajoute le système des pensions et l’indexation automatique des salaires au coup de la vie qui plus tard sera généralisé.
 
Le 19 octobre 1925 se tiens à Paris le 2e congres de l’Alliance Universelle des Ouvriers Diamantaires, réunissant les américains (New York et Brooklyn), allemands (Hannau, Idar-Oberstein et Erbach), français (St Claude et Versailles) rejoint par les suisses, belges (provinces d’Anvers et des Flandres) et hollandais (région d’Amsterdam). Ensemble l’alliance décide la diminution des heures de travail, le refut d’engager des apprentis et exige les avantages sociaux déjà acquit dans d’autres centres.
 
Ce fut devant ces exigences que pour la première fois que les diamantaires envisagent un déplacement de l’industrie vers des pays socialement plus « calme ». Des photos de jeunes tailleurs Chinois furent publiés dans les journaux locaux. Une autre expérience fut l’Afrique du Sud qui offrit même des subsides voulant attirer cette industrie prometteuse pour un pays producteur. Si ces premières tentatives ne connurent pas le succès espéré, l’idée d’un déplacement de l’industrie commença à germer.
 
L’Alliance organise un nouveau congrès à Stuttgart le 8 juillet 1928, on décide de la création d’une caisse de crise internationale, la semaine de 44 heures et des congés payés de 2 semaines.
 
Le 8 juillet 1927 est crée à Anvers le Syndicat Patronal SBD affin de réunir les diamantaires devant les exigences « sans limite » de l’ADB devenu une puissance incontournable et surtout venant d’ouvrir sa propre taillerie.
 
Mais la grande crise débute en octobre 1929 avec l’effondrement de la bourse de Wall street. La première onde de choc est pour le secteur diamantaire anversois où seulement 200 ouvriers des 25.000 restent au travail. Les organisations patronales et ouvrières décident en commun accord d’arrêter la production. Une grande partie aussi bien des diamantaires que des tailleurs décident de quitter le métier définitivement. Pourtant une reprise s’annonce en 1932, si l’économie mondiale se remet lentement de la débâcle, le secteur diamantaire anversois et amstellodamois n’en profite plus. Car en Allemagne, journalièrement l’argent dévalue, les salaires deviennent dérisoires, si bien que les diamantaires exportent leurs diamants brut vers Idar-Oberstein et Hannau pour la taille. Rapidement le nombre de tailleurs y augmente de 2000 vers 8000 tailleurs, en plus les tailleurs allemands créent un nouveau dop, le dop mécanique qui va remplacer le dop à plomb. Plus rapide et plus précis il va révolutionner la taille comme plus tard le voyant lumineux annonçant la fin de la taille d’une facette. En 1935 est créée la Commission Paritaire sous les auspices du Ministère du Travail, 7 représentants du patronat et 7 représentants des syndicats devront dorénavant solutionner les problèmes sociaux. Les acquis sociaux se suivent, la semaine de 40 heures, les jours fériés payés comme à Amsterdam.
 
La concurrence de l’Allemagne continue avec sa dévaluation galopante devient un problème majeur, le salaire d’un tailleur allemand est de plusieurs millions de Mark, mais il peut à peine se permettre son pain quotidien. Dans ces conditions il est normal que plusieurs diamantaires veuillent profiter de cette aubaine malgré les pressions des syndicats. La situation s’envenime, de jour en jour, les diamantaires peu scrupuleux exportent et réimportent de manière illicite le diamant faisant ainsi de gros profits. Une réunion entre les syndicats, le groupement patronale et le Club décide de mettre fin à cette situation. Le gouvernement est appelé à la rescousse, une taxe à l’exportation et à la réimportation est installée et des contrôles de douaniers sont organisés à la frontière belge et française, ce qui implique par la suite, pour le celui qui est pris, un contrôle serré de sa comptabilité. Un tribunal spécial est installé au Club où les fraudeurs reçoivent des amendes de 50.000 et de 100.000 FB d’époque. Mais ce qui fait le plus peur est que les noms des fraudeurs sont affichés et plusieurs sont ni plus ni moins passés à tabac. Des délégations d’Anvers et d’Amsterdam vont en Allemagne espérant boucher la brèche, mais les Allemands n’ont pas d’oreille pour cette situation où ils en sortent bénéficiaires. Le diamant brut de joaillerie mais aussi industriel afflue vers le pays qui a un besoin urgent de diamant industriel pour son matériel de guerre qui tourne en plein rendement.
 
Malgré tout une délégation Allemande vient à Anvers pour discuter avec les dirigeants du Club. La réunion est brutale et les Allemands exigent le droit de recevoir ou de prendre du travail où ils le désirent aussi bien à Anvers qu’à Amsterdam et que le Club n’a aucun droit de pression sur leurs collaborateurs. Sur ce le Président du Club Lipschutz explose « Messieurs les Allemands, votre leader Hitler est maintenant au pouvoir en Allemagne et vous êtes son valet. Vous oubliez que nous sommes en Belgique et nous ne sommes pas encore à genoux sous votre joug et nous sommes encore toujours maîtres en ces lieux » (Heureusement pour lui Lipschutz émigra aux États Unis avant l’invasion).
 
Mais déjà en 1938 lors des zizanies avec les Allemands, une nouvelle industrie naît en Palestine. Des instructeurs sont recrutés, les conditions sont simples ; ne pas être membre de l’Alliance. C’était une attaque directe contre les syndicats, impuissants devant cette expansion bien plus dangereuse que l’Amérique, l’Angleterre, l’Afrique du Sud, l’Amérique du Sud ou Cuba. Le centre de Tel Aviv deviendra effectivement le plus grand concurrent d’Anvers après la 2e guerre mondiale, Amsterdam ayant entre temps tout simplement disparu. Le 1er mai de l’année suivante l’apocalypse se déclenche.
 
EPILOGUE
 
La 2e Guerre Mondiale a fait des ravages parmi les diamantaires juifs, plusieurs ayant vu venir l’orage ont émigré à temps aux États Unis, à Cuba, en Palestine. Ceux qui sont restés ont cru que la paix allait revenir une fois que les Allemands seraient vainqueur. Pourtant le drame ne fait que commencer, les Allemands font irruption dans les salles de la Bourse et du Club et confisquent les marchandises brut et taillé.
 
Dans chaque salles il y a un restaurant – caféteria, un diamantaire effrayé de ce qui se passe ne vois pas le garçon lui pousser une tasse sous le nez. « Je crois que vous voulez certainement du café » lui dit le garçon sur un ton impératif, le diamantaire ayant vite comprit verse son lot de diamants dans la grande tasse que le garçon arrose de café noir jusqu’au bord. C’était un des seules diamantaires qui put échapper à la perquisition ce jour là. Malheureusement la fin sera tragique pour beaucoup de confrères d’origine juive.
 
Lorsque les Allemands se retire, les premiers envois de diamants brut de provenance de Londres, qui avaient été supprimés lors de l’occupation, reviennent à Anvers et malgré les bombardements les moulins tournent à nouveau. Anvers comme le Phénix sortant de ses cendres, connaîtra un nouvel essor. Le gouvernement belge offrant des facilités fiscales importantes attire les diamantaires et tailleurs d’Amsterdam où le gouvernement pratique une forte pression fiscale sur le secteur (voir l’article grandeur et décadence d’un centre diamantaire).
 
Lors de la guerre de Corée 5 ans plus tard, la demande en petits diamants taillés est si forte que devant la pénurie de brut on scie et retaille des grosses pierres en plusieurs plus petites.
 
A la fin des golden sixties la De Beers provoque un « bottel neck » dans le secteur du sciage et du clivage. Des milliers de carats sont sciés mais cette courte période est suivie d’une pénurie définitive qui fera disparaître les scieurs et cliveurs anversois. C’est le vrai début de l’exode vers les pays à bas salaires, d’abord la Tunisie suivit de la Corée, la Thaïlande, la Malaisie, le Sri Lanka mais surtout l’Inde qui va prendre la part du lion avec près de 1 million de tailleurs à Bombay et Surat.
 
Le 20 octobre 1981, Hoverniersstraat, 8 h.45 un agent de la police communale veut verbaliser une camionnette qui est déjà stationnée depuis plus de 24h dans cette zone où le stationner est interdit, le véhicule soutenu par un cric a une roue enlevée. Le policier sort un calepin de sa poche devant la camionnette et veut commencer à écrire le PV. Une pluie fine commence à tomber, il se réfugie dans l’entré du garage du Club pour terminer le PV, ce qui lui sauvera la vie car quelques minutes après 9 heure la camionnette piégée explose avec plus de 100Kg de TNT mélangé à de la ferraille, devant le Club du diamant où est installé le Diamond Office, nerfs principal du secteur diamantaire anversois où passe toute les importations et exportations. C’est là aussi, qu’il y aura le plus grand nombre de victimes, principalement causées par des coupures des éclats des vitres soufflées. C’est une vision d’horreur, des centaines de personnes sortent des bureaux en courant, terrifiés, tout ensanglantés, accompagné des hurlements des sirènes d’alarmes déclenchées et des ambulances qui viennent de toute parts. Il n’y a pas assez d’ambulances, les victimes sont transportées dans des autobus de la police vers les hôpitaux rapidement saturés. On dénombre aussi deux morts. Mais deux jours plus tard le Diamond Office travaillait à nouveau en plein rendement dans les locaux voisins, à la banque ABN, les employés sont tous présent avec des bandages, l’un autour de la tête, l’autre les mains ou même sur la figure, ils ont tous reprit le travail courageusement. Anvers n’a pas été paralysé. Pourtant personne n’a pensé à placer une plaque de remerciement devant le Club, pour le dévouement de l’équipe du D.O. L’on n’a jamais su avec certitude qui était l’auteur (s) de l’attentat.
 
Où en est le syndicat en cette période ? Au sein de la Commission Paritaire le syndicat reste intransigeant, seulement un fils de tailleur peut devenir tailleur. Les heures de travail sont strictement contrôlées, des sanctions pénales allant jusqu’à des poursuites en Correctionnel sont les risques que prennent ceux qui osent travailler 10 ou 15 minutes en plus. Une chasse aux sorcières à l’aide de la gendarmerie est organisée pour découvrir les fraudeurs, dans un style digne de la période de prohibition aux États Unis. A partir des années 70 le secteur veut se moderniser, des nouvelles technologies et miniaturisations d’outils permettent d’envisager l’automatisation. Malheureusement les prototypes exorbitants doivent pouvoir tournés plus que les 8 heures officielles, la seule solution est, un fois de plus, l’exode.
 
C’est la fin de l’industrie diamantaire anversoise des 30.000 tailleurs d’après guerre moins de 1000 sont encore actif, spécialisé dans les pierres haut de gamme, des pierres difficiles à tailler et de grande valeur.