1894 NAISSANCE DE DEUX SYNDICATS | FR

Sur le plan social, c’est une année mouvementée. Aussi bien en Europe qu’aux Etats-unis des grèves éclatent. Le président Cleveland des E.U. engage, à Chicago, l’armée pour casser la grève de Pullman et de l’American Railway Union.

En Belgique, les partis ouvriers signent la déclaration de Quaregnon où l’on stipule que les richesses et les modes de production sont la propriété de la communauté et doivent servir au bien-être de tous. 
 
En Afrique, à Windhoek, il y a l’insurrection des Hottentots, pour expulser les blancs, ils sont matés par les troupes allemandes.  
 
Le secteur diamantaire se trouve aussi dans une mauvaise situation, situation encore plus grave à Amsterdam qu’à Anvers. Les tailleurs de petites pierres ont du mal à joindre les deux bouts et la grève éclate à Amsterdam où les salaires étaient à moins de 10 florins par semaine. L’embryon du syndicat comprenant à peine 80 membres décide de l’action qui rapidement se propage et paralyse Amsterdam. Cette action est à la base de la création de la puissante ANDB (Algemene Nederlandse Diamantbewerkers Bond), qui restera « dure et inflexible » tout au long de son existence et sera aussi une des raisons de la disparition de l’industrie diamantaire amstellodamoise vers les années 1930.  
 
La nouvelle de la grève à Amsterdam arrive rapidement à Anvers et deux délégués syndicaux anversois sont envoyés à Amsterdam comme observateurs. Ils ont comme mission de prendre des dispositions pour une action solidaire.

Une réunion générale est prévue à Anvers la semaine suivante où des délégués d’Amsterdam viennent expliquer à leurs camarades anversois le succès de la grève. La situation économique est aussi pénible à Anvers qu’à Amsterdam, ce qui résulte en une réunion monstre de tous les tailleurs qui dans l’euphorie générale « les larmes aux yeux », croyant en un avenir meilleur, soutiennent les organisateurs. Sous les cris « salaires décents et vive Amsterdam », un comité est créé pour l’organisation d’une grève générale à Anvers. Le lendemain un cortège est formé qui visite les ateliers du centre ville et de la périphérie pour arrêter les moulins, à peine quelques heures plus tard le secteur est définitivement paralysé et un meeting important est organisé dans le splendide bâtiment de la bourse du commerce d’Anvers. Devant une foule combative, les orateurs se suivent, on décide de créer différents comités ; les sertisseurs, les brillanteurs, les débruteurs, les tailleurs de roses, etc. Quelques jours plus tard, nouvelle réunion générale pour la coordination des opérations, lorsqu’en pleine réunion un télégramme arrive des deux délégués syndicaux anversois se trouvant à Amsterdam. La nouvelle tombe comme une bombe « la grève à Amsterdam est perdue, elle ne peut être continuée, nous devons arrêter ».  
 
Ce n’est que quelques jours plus tard que l’on sut que les 2 délégués avaient trahi la cause et que la grève à Amsterdam était pourtant un succès, le syndicat ANDB était fondé et était maître de la situation.  
 
Malheureusement pour le jeune syndicat anversois l’annonce de cet échec, au moment de la réunion, fut une pénible épreuve, ils furent injuriés, sifflés et hués par les participants. Les avis étaient partagés, continuer ou arrêter. Malgré tout, vu que les comités étaient déjà créés, le syndicat décida de créer un nouveau syndicat Algemene Diamant Bewerkersbond ADB.  
 
Les résultats de cette grève furent pourtant moyennement positifs, suite à une légère augmentation des salaires. Mais la trahison des deux syndicalistes laissa des traces, la confiance des ouvriers diamantaires envers les syndicats n’y était plus. Le comité des délégués devait régulièrement visiter leurs collègues dans les tailleries pour combattre cette méfiance, car ceux-ci étaient désillusionnés du grand tapage et des promesses pour de piètres résultats.  
 
Le projet pour réunir les différents corps de métier n’eut aucun succès, la majorité adhérant au mouvement socialiste, tandis que les débruteurs restèrent libéraux. C’était la suite d’un esprit de corporatisme et de séparation de métier. Les tailleurs et les débruteurs n’étant pas les meilleurs amis, car les débruteurs travaillaient dans les environs immédiats du patron. C’était la première phase et aussi la principale, le débrutage étant fait à la main, c’était aussi la phase où la perte de poids et la forme définitive étaient décidées. Les débruteurs se trouvant plus important que le reste du personnel, imitaient les allures et les mentalités du patron.  
 
La fin de 1894 était, sur le plan social une des moins glorieuses, les représentants syndicaux étant devenus des indésirables dans les ateliers de taille, n’avaient plus le support du personnel. Devant cette adversité, même les dirigeants syndicaux perdirent le courage et étaient sur le point d’abandonner la lutte.  
 
Eddy Vleeschdrager